La petite fille & la fOrêt

La petite fille marchait pieds nus dans la forêt sans écouter les cris de ses pieds heurtés, abîmés. Elle s'en fichait, elle savait juste qu'elle ne pouvait pas se poser. Pas encore, pas tout de suite.
Il faudrait des mille et des miles encore, de la distance, du temps, du vent, de la neige et de la grêle, du soleil et de l'ondée, des saisons et des saisons, pour caresser à nouveau, pour caresser peut-être, la douceur des temps partagés.

On lui avait montré la vitre et son carreau cassé, on lui avait montré la porte au grillage tressé si petit et disloqué qu'il lui fallait traverser. Et ne plus se retourner. Foutre la paix à ses vivants, et se repaitre seule des fantômes avaleurs qu'elle avait pressés.

On avait montré du doigt qu'il fallait qu'elle foute le camp, qu'elle taille la route. Une route souterraine.

Qu'elle soit discrète. Elle ne savait pas vraiment faire, elle se voyait en trop grand partout. Alors elle se planquait. Dans la forêt de ronces ou pas, et tant pis pour les épines.
Qu'elle rejoigne la foule anonyme, en sous-face plutôt qu'en surface. Elle ne savait pas vraiment faire. Alors elle rendait ce qui avait été partagé, sans tenir compte de ce qui la constituait. Parce qu'elle ne savait pas démêler cet écheveau et rester debout comme si de rien n'était. Comme si de rien n'avait été.

Elle apprenait à se conjuguer au passé composé. Avant de rejoindre le plus-que-parfait. Peut-être.